Succession internationale : Maîtriser les enjeux fiscaux

Avec la mondialisation, les mobilités internationales et l’expatriation, de plus en plus de patrimoines se composent de biens répartis dans plusieurs pays : comptes bancaires ouverts à l’étranger, biens immobiliers situés en France et hors de France, héritiers établis dans différents États, entreprises ou portefeuilles financiers diversifiés. Cette complexité a des conséquences directes sur la fiscalité successorale. Les règles varient selon le pays de résidence du défunt, celui des héritiers, la localisation des biens et la législation applicable. Une planification rigoureuse est donc essentielle pour limiter les coûts inattendus, réduire les risques de conflits et éviter une double imposition.

Comprendre les mécanismes de la succession internationale, anticiper les formalités et identifier les règles fiscales applicables permet non seulement de protéger les bénéficiaires mais aussi de respecter la volonté du défunt tout en optimisant la charge fiscale.

Les principes généraux en France

Le critère central pour déterminer la fiscalité applicable est le domicile fiscal du défunt. S’il était domicilié fiscalement en France, l’ensemble de son patrimoine mondial est soumis aux droits de succession français, qu’il s’agisse d’immobilier, de comptes bancaires, de valeurs mobilières, d’assurances-vie ou de parts sociales. Si au contraire le défunt n’était pas domicilié en France, seuls les biens situés sur le territoire français sont imposables, quelle que soit la résidence des héritiers. Dans ce cas, il s’agit généralement de biens immobiliers situés en France, d’actions de sociétés françaises ou de certains comptes bancaires ouverts auprès d’établissements locaux.

La résidence des héritiers peut également élargir l’assiette de l’imposition. Un héritier domicilié en France ou qui y a résidé au moins 6 années au cours des 10 années précédant la succession, peut être imposé en France sur l’ensemble des biens reçus, y compris ceux situés à l’étranger même si le défunt n’y vivait pas. Ce critère est apprécié à la date du décès et vise à éviter qu’un héritier ne s’expatrie ponctuellement pour échapper aux droits. En revanche, si l’héritier ne répond pas à cette condition, seuls les biens situés en France seront soumis aux droits. Ce mécanisme explique pourquoi une succession internationale peut être imposable en France malgré l’absence de lien de résidence du défunt avec le territoire.

Le cadre légal de référence est l’article 750 ter du Code général des impôts. Il définit les conditions dans lesquelles la France peut percevoir les droits de mutation à titre gratuit selon le domicile fiscal du défunt et des héritiers ainsi que la localisation des biens transmis. Des conventions fiscales internationales peuvent toutefois limiter la portée de cet article et éviter une double taxation.

Les risques de double imposition et les moyens d’atténuation

Une succession internationale peut entraîner une double imposition lorsque plusieurs juridictions revendiquent le droit de taxer le même patrimoine. Ce risque apparaît notamment si le pays de résidence du défunt et celui de localisation des biens imposent tous deux les transmissions, si les héritiers résident dans un autre État qui taxe également les successions ou si un bien n’est pas qualifié de la même manière d’un pays à l’autre.

Pour réduire ce risque, plusieurs mécanismes existent. Les conventions fiscales bilatérales signées entre la France et d’autres États répartissent les droits d’imposer, prévoient parfois des exonérations ou instituent des crédits d’impôt. Ces conventions restent toutefois peu nombreuses : la France en a conclu moins de 40 dans le monde, essentiellement avec ses partenaires européens et certains pays tiers comme les États-Unis. Par exemple, la convention franco-américaine de 1978 détermine des règles spécifiques pour les biens situés aux États-Unis et en France. Pour éviter la double imposition, l’article 784 B du Code général des impôts prévoit l’octroi d’un crédit d’impôt correspondant aux droits de succession déjà acquittés à l’étranger dans la limite des droits dus en France. Ce mécanisme s’applique sous réserve des conventions fiscales internationales conclues par la France qui prévalent lorsqu’elles existent. Par ailleurs, certains héritiers bénéficient d’exonérations totales ou d’abattements importants, comme le conjoint survivant ou le partenaire de PACS qui sont exonérés de droits de succession en toutes circonstances.

Les formalités et délais

Le respect des délais est primordial. Si le décès survient en France, la déclaration doit être déposée dans les 6 mois qui suivent. En cas de décès à l’étranger, ce délai est porté à 12 mois. Le point de départ reste la date du décès et tout retard entraîne des intérêts de retard ou majorations. Lorsque le défunt n’était pas domicilié en France ou que les héritiers résident à l’étranger, la déclaration doit être adressée à la Recette des Non-Résidents, service spécialisé chargé de traiter l’ensemble des successions présentant un élément international.

Le dossier successoral doit être documenté avec précision. Les héritiers doivent fournir une déclaration détaillée du patrimoine incluant les biens immobiliers, comptes bancaires, valeurs mobilières, parts sociales et assurances-vie ainsi que les justificatifs de domicile fiscal du défunt et des héritiers. Les titres de propriété, les éventuels actes de donation antérieurs et les actes de décès doivent également être annexés. Lorsqu’une convention fiscale est applicable, elle doit être citée et produite afin de permettre l’application des règles correctrices de double imposition.

Règles spécifiques à connaître

Depuis le 17 août 2015, le règlement européen relatif aux successions internationales (n°650/2012) harmonise les règles civiles applicables. Par défaut, la loi applicable est celle de la dernière résidence habituelle du défunt. Toutefois, le règlement offre la possibilité d’opter, par disposition expresse (testament ou pacte successoral), pour la loi de sa nationalité. Cette option permet notamment aux expatriés de conserver un lien juridique avec leur pays d’origine en matière de transmission. Ce règlement simplifie le règlement civil des successions transfrontalières au sein de l’UE et a introduit le certificat successoral européen, document unique permettant de prouver la qualité d’héritier ou de légataire dans l’ensemble des États membres (sauf Danemark, Irlande et Royaume-Uni). Il ne modifie toutefois pas la fiscalité qui reste régie par les législations nationales.

La détermination de l’assiette taxable exige d’identifier la nature et la localisation des biens. Les biens immobiliers, les biens mobiliers comme les comptes bancaires ou les actions, et les biens incorporels tels que les droits d’auteur ou brevets sont imposés différemment selon les États. En France, les transmissions sont soumises à des abattements selon le lien de parenté, par exemple 100 000 euros entre parents et enfants et à des taux progressifs pouvant atteindre 60% pour les héritiers non liés. Le conjoint survivant et le partenaire de PACS bénéficient d’une exonération totale y compris dans un contexte international.

L’assurance-vie occupe une place particulière. Les primes versées avant 70 ans bénéficient d’un abattement de 152 500 euros par bénéficiaire, au-delà desquels s’applique une taxation forfaitaire spécifique. Les primes versées après 70 ans sont intégrées à l’actif successoral au-delà de 30 500 euros mais seuls les versements sont taxés et non les produits générés. Ce régime peut toutefois être remis en cause dans un contexte international : certains pays ne reconnaissent pas l’assurance-vie comme un produit distinct et l’intègrent entièrement dans la succession ce qui peut neutraliser l’avantage fiscal français.

Exemples pratiques

Un résident fiscal français qui possède un appartement en Espagne et dont les héritiers résident en France verra ce bien soumis aux droits espagnols mais également aux droits français. Les héritiers bénéficieront alors d’un crédit d’impôt correspondant aux droits payés en Espagne.

À l’inverse, un défunt non-résident qui possédait un immeuble en France expose ses héritiers à une imposition française sur ce seul bien, même si aucun autre lien fiscal n’existe avec la France.

Enfin, lorsqu’un héritier réside en France depuis plus de 6 ans sur les 10 dernières années, il peut être imposé en France sur l’ensemble des biens reçus y compris ceux situés à l’étranger.

Les professionnels à consulter

Dans une succession internationale, le recours à des professionnels qualifiés est essentiel pour sécuriser le processus.

Le notaire joue un rôle central : il est obligatoire dès qu’un bien immobilier français fait partie de la succession et reste le garant du respect des règles de droit civil notamment en matière de réserve héréditaire et de liquidation des droits. Il coordonne également la déclaration fiscale et veille au respect des délais.

L’avocat fiscaliste spécialisé en droit international intervient pour interpréter les conventions fiscales, résoudre les situations de double imposition et assister les héritiers dans leurs démarches auprès de plusieurs administrations fiscales. Il est particulièrement utile lorsque le patrimoine est dispersé entre plusieurs pays ou lorsque les législations en présence sont divergentes.

Enfin, le conseiller en gestion de patrimoine  intervient en amont pour anticiper la transmission et proposer des solutions adaptées : assurance-vie, démembrement de propriété, structuration via des sociétés ou choix de la loi applicable dans le cadre du règlement européen. Son rôle est complémentaire à celui du notaire et de l’avocat puisqu’il vise à optimiser la transmission tout en respectant les objectifs patrimoniaux et familiaux du défunt.

Optimisation et planification

La préparation en amont est déterminante. Rédiger un testament conforme aux règles de chaque pays concerné, organiser la détention des biens par le biais de sociétés, d’indivisions ou de comptes séparés et coordonner les volontés permet de sécuriser la transmission. Des donations progressives permettent de profiter des abattements renouvelables tous les quinze ans et d’étaler la charge fiscale. L’utilisation de structures juridiques comme les trusts, selon le droit local, peut également offrir une meilleure protection des biens et une transmission facilitée.

L’assurance-vie demeure un outil puissant de transmission, notamment pour les non-résidents qui peuvent en tirer avantage selon l’âge des primes versées et la localisation des bénéficiaires. Enfin, changer de résidence fiscale peut avoir des effets considérables sur une succession future mais doit être envisagé avec prudence et après analyse des conventions fiscales, de la localisation des biens et des obligations légales dans le pays d’accueil.

Points de vigilance

La fiscalité internationale des successions présente des limites et des difficultés. Certaines conventions fiscales sont partielles ou inexistantes ce qui peut générer des impositions imprévues. La qualification d’un même bien peut varier d’un État à l’autre modifiant ainsi l’assiette imposable. Les différences entre droits civils nationaux, notamment concernant la réserve héréditaire ou les conditions de validité des testaments, peuvent entraîner des contestations. En France, la réserve héréditaire conserve une place centrale. Depuis la réforme de 2021, l’article 913 du Code civil prévoit que lorsqu’une loi étrangère applicable à une succession prive un héritier réservataire de sa part minimale, ce dernier peut demander une compensation mais uniquement si le défunt avait sa résidence habituelle en France ou si l’héritier réservataire lui-même réside en France au moment du décès. Ce mécanisme ne signifie donc pas que la réserve s’impose automatiquement dans toutes les successions internationales mais qu’une protection renforcée existe dans certaines situations. Enfin, les barèmes et abattements évoluent régulièrement et doivent toujours être vérifiés à la date du décès.

En résumé

La succession internationale combine des dimensions juridiques et fiscales complexes. Identifier le domicile fiscal du défunt, la résidence des héritiers et la localisation des biens est indispensable pour déterminer l’imposition applicable. Les conventions fiscales, lorsqu’elles existent, doivent être soigneusement examinées et les volontés anticipées par des dispositions claires et valides. Le recours à des professionnels qualifiés, notaires, avocats fiscalistes et conseillers en gestion de patrimoine, reste essentiel pour sécuriser la transmission, optimiser la fiscalité et limiter les risques de litiges. Une planification rigoureuse permet de concilier respect des volontés du défunt et protection des héritiers dans un cadre fiscal international de plus en plus exigeant.

Cet article ne constitue pas un conseil en investissement personnalisé. Chaque situation patrimoniale étant unique, il est conseillé de vous faire accompagner par un professionnel qualifié avant toute prise de décision.